Journal Schweiz Arch Tierheilkd  
Verlag GST  
Heft Band 167, Heft 5,
mai 2025
 
ISSN (print) 0036-7281  
ISSN (online) 1664-2848  
online seit 02 mai 2025  
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Anthropomorphisme: quelles conséquences pour les animaux?

Dr méd. vét., MSc CABC, Anneli Muser Leyvraz, Présidente de l’Association vétérinaire suisse pour la médecine comportementale (STVV)

L’attribution par l’humain de traits, comportements ou émotions aux animaux peut s’avérer problématique pour ceux-ci. En effet, cette attitude peut conduire à sous-estimer, négliger voire totalement ignorer certains besoins spécifiques à l’espèce en question.

Dans les années 1920, un auteur de la série «Bibliothek der Unterhaltung und des Wissens» critiquait le fait que l’on fasse porter aux animaux des tenues assorties à celle de leur propriétaire, allant jusqu’à proposer des habits de mariage pour l’accouplement. L’année dernière, la ville allemande de Karlsruhe a même organisé un marché de Noël spécialement pour les chiens. Certains propriétaires teignent aussi le poil de leurs animaux domestiques.

Par ailleurs, il existe des films, généralement des dessins animés, dans lesquels les animaux ou même les choses parlent et se comportent comme des êtres humains; les phénomènes naturels, les peluches, les voitures et autres objets n’y échappent pas non plus et reçoivent des noms. Les animations à l’ordinateur, robots, planètes ou autres astres ont parfois aussi des traits humains. On retrouve nombre d’exemples dans la publicité: des légumes affublés de visages qui dansent et chantent pour donner aux enfants envie de manger des brocolis ou autres carottes. Inversement, on parle aussi de «vieux renard» ou «d’œil de lynx» par exemple pour décrire les personnes.

Lorsque des traits, des comportements, des émotions voire des personnalités humaines sont attribués à des animaux ou à des objets, on parle d’humanisation ou d’anthropomorphisme.

Pourquoi faisons-nous cela? Il semble que nous recherchions de la sorte une certaine proximité, pour réduire notre appréhension. De plus, cela reflète la tendance humaine à rechercher la camaraderie et l’intimité partout, même avec des objets inanimés. On peut aussi l’interpréter comme une tentative de trouver un sens au monde. Globalement, les humains semblent donc y trouver un profit.

Répercussions sur les animaux

Mais quelles sont les conséquences lorsque des animaux sont concernés par le fait qu’on leur attribue des émotions, des modes de pensée ou des représentations humaines?
Si nous partons de l’idée que les animaux ressentent les émotions de la même manière que les humains, se comportent et pensent comme eux, cela peut nous amener à mal interpréter certains comportements et à attribuer aux animaux des motivations et des pensées inexistantes. De nouvelles études montrent certes que de nombreux animaux, les chiens en particulier, sont capables d’émotions et de conceptions, voire de modes de pensée similaires à ceux des humains. Cependant, les lacunes sont encore nombreuses. Et on ne peut pas simplement appliquer ces résultats à tous les animaux.

Cette attitude pourrait conduire à sous-estimer, négliger voire totalement ignorer certains besoins spécifiques à l’espèce en question. De même, soumettre les animaux à certaines attentes auxquelles ils ne peuvent pas répondre peut tout simplement les dépasser. Leur bien-être non seulement psychique, mais aussi physique, peut s’en trouver altéré.
Un exemple fréquent chez les chiens est celui où l’animal s’approche lentement en remuant la queue et en se baissant. Il signale ainsi qu’il perçoit l’émotion négative de la personne et qu’il veut l’apaiser. Les propriétaires pour leur part interprètent souvent cela comme le fait que le chien sait qu’il a fait quelque chose de mal. Cette interprétation peut conduire à davantage de punitions, le chien sachant apparemment manifestement qu’il fait quelque chose d’interdit. Le propriétaire de l’animal peut aussi éprouver de la frustration face à son chien têtu ou mal élevé, ce qui peut à son tour avoir une influence négative sur la relation entre l’humain et l’animal.

Autre situation: on considère souvent qu’un perroquet qui reste tranquillement assis dans sa cage toute la journée est heureux, alors qu’il se trouve dans un état d’impuissance acquise: tout ce qu’il a essayé de faire pour répondre aux besoins spécifiques de son espèce en termes de contact social et d’occupation a échoué. Autre exemple: le lapin qui se tient tranquille lorsqu’on le place dans une certaine position, et qui reste même passif et immobile lorsqu’il a mal, ne ressentent-il donc pas la douleur? Cette erreur de jugement avait autrefois conduit à réaliser la castration des lapins sans anesthésie.

La dignité de l’animal

On trouve des parfums pour chiens sur le marché. C’est toutefois à se demander dans quelle mesure un animal, dont l’information sur l’environnement passe en grande partie par l’odorat, est troublé ou dérangé par une telle perception olfactive et en subit une influence négative.

Mais qu’en est-il maintenant de montrer des animaux affublés de vêtements humains, de leur teindre le pelage ou de vernir leurs griffes? Certes il n’y a pas de conséquences négatives directes pour l’animal. Néanmoins, si l’humain décide pour lui-même de se teindre les cheveux, de porter des tenues ridicules ou de se vernir les ongles, les chats à qui l’on met des rubans ou les singes à qui l’on fait porter des vêtements n’ont pas le choix. L’animal aussi a sa dignité, par ailleurs expressément protégée par la législation suisse sur la protection des animaux.

En résumé, essayons de comprendre et d’accepter les animaux tels qu’ils sont. Il est temps de promouvoir des études qui nous fournissent des informations sérieuses sur les besoins physiques et psychiques des animaux pour, ensuite, les respecter dans la mesure de ce qui est possible.

Pourquoi le vieux chat se met-il soudainement à mordre? (© iStock)
 
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