Journal Schweiz Arch Tierheilkd  
Verlag GST  
Heft Band 167, Heft 3,
mars 2025
 
ISSN (print) 0036-7281  
ISSN (online) 1664-2848  
online seit 04 mars 2025  
SAT archive search
Extended search

Focus

La souffrance des chiens brachycéphales

Nicole Jegerlehner
© màd
© màd

La Suisse interdit l’élevage sur la base de caractères extrêmes. Malgré cela, de plus en plus de chiens souffrent de difficultés respiratoires en raison de leur tête plate ou de handicaps compte tenu de leur taille miniature. Ils proviennent en effet d’importations.

Grands yeux et nez retroussé: les codes du «mignon» se retrouvent aussi dans le domaine des chiens. Voilà pourquoi on élève des chiens avec des nez très courts. Ils ont beau être vraiment trop choux, une seule chose est sûre: ils souffrent.
Daniel Koch fait de la recherche sur les questions liées à la brachycéphalie, autrement dit à la tête plate, depuis une vingtaine d’années (cf. également l’article en page 175). Au début du 20ème siècle, les nez des chiens étaient encore plus longs. Dans l’une de ses études, le vétérinaire a montré que la base crânienne du nez des chiens à tête plate s’est raccourcie de plus de 60 % depuis les alentours de 1910.

Haleter en lieu et place de transpirer

Les chiens régulent leur température corporelle en haletant, inspirant l’air par le nez et l’expirant par la gueule. Sur les grandes surfaces des cornets nasaux, l’air qui s’écoule fait s’évaporer l’humidité, ce qui apporte de la fraîcheur. Les têtes plates sont problématiques car les chiens disposent alors d’une surface de cornets nasaux beaucoup plus réduite. Pour réguler leur température, ils doivent par conséquent haleter davantage, requérant, pour compenser, d’augmenter la pression négative à l’inspiration. Ainsi, les narines se replient à l’intérieur, le voile du palais s’allonge et les voies respiratoires se rétractent. Dès lors, les chiens reniflent et ronflent, ne supportent pas la chaleur et n’ont aucune endurance. L’approvisionnement en oxygène en est également affecté. Tout cela explique pourquoi on parle d’élevage causant des souffrances.

Ils sont nombreux les chiens brachycéphales à se retrouver sur la table d’opération de Daniel Koch. «Cela fait bientôt trente ans que j’opère de tels chiens, explique le chirurgien pour petits animaux. Alors qu’on en voyait passer environ cinq par an par le passé, aujourd’hui ce sont une cinquantaine.» Les statistiques le confirment: non seulement la Suisse compte aujourd’hui plus de chiens qu’il y a trente ans, mais les races à tête plate ont aussi gagné en popularité. Une opération du nez coûte environ 1600 francs. Les animaux souffrent en outre aussi souvent de luxation de la rotule ou de douleurs au niveau du dos. L’opération de luxation de la rotule coûte pour sa part environ 2000 francs par patte, alors que celle du dos revient autour des 5000 francs. À cela peuvent s’ajouter des problèmes oculaires et auriculaires, des infections cutanées dues à de gros plis cutanés et des problèmes à la mise bas.

La loi suisse sur la protection des animaux interdit l’élevage d’animaux causant des souffrances, stipulant qu’on ne peut causer aux animaux «des douleurs, des maux, des dommages ou des troubles du comportement» par l’élevage naturel ou artificiel. En 2015, la Confédération a édicté une ordonnance supplémentaire afin de faciliter l’application de la loi. Quatre catégories de contraintes y sont mentionnées, qui déterminent si un animal peut être utilisé ou non pour la reproduction. Cependant, dans la plupart des cas la loi suisse sur la protection des animaux n’a juste aucune emprise, puisque «environ 95 % de ces chiens sont importés», regrette le spécialiste. À en croire la plateforme allemande Qualzucht-Evidenz Netzwerk QUEN, en Europe, outre la Suisse, l’Allemagne et l’Autriche, les pays qui disposent également de dispositions interdisant les contraintes liées à l’élevage sont la Finlande, l’Irlande, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, la Norvège et la Suède. La France, qui ne dispose pas d’une véritable loi sur la protection des animaux, discute actuellement d’une adaptation de plusieurs décrets portant sur des questions de protection des animaux. Rien n’est toutefois prévu pour l’élevage.

«En ma qualité de vétérinaire, je parle avec les propriétaires d’animaux; la plupart disent qu’ils auraient opté pour une autre race s’ils avaient été au courant des souffrances et des opérations nécessaires avant l’achat.» Et d’ajouter: «C’est à l’échelon des acheteurs potentiels que nous devons aborder le problème.» Mais c’est une tâche ardue et de longue haleine: «Les gens doivent réaliser qu’ils doivent porter leur dévolu sur une autre race de chien.»

L’impuissance du chercheur

En tant que scientifique «et personne éthiquement responsable», Daniel Koch est parfois confronté à un sentiment d’impuissance: «Cela fait si longtemps que nous montrons par nos recherches que les animaux souffrent de certaines caractéristiques d’élevage. Pourtant, rien ne bouge.» Cela ne l’empêche pour autant pas, en tant que vétérinaire, de continuer à opérer des chiens à tête plate: «Je vois l’individu devant moi, et j’aide le chien qui est déjà au monde.» De son point de vue, il est important de discuter avec la clientèle, afin qu’elle se décide, une prochaine fois, pour une autre race.

Positions de l’ASMPA sur les mini-chiens

En 2018, l’Association suisse pour la médecine des petits animaux (ASMPA) avait lancé une campagne contre le nez plat excessif des chiens, en collaboration avec l’Université de Berne, l’Association vétérinaire suisse pour la protection des animaux, la Protection suisse des animaux et la Société de cynologie suisse. Dans ce contexte, elle avait alors rédigé une position à ce sujet. L’année dernière, l’ASMPA s’est penchée sur un nouveau sujet en publiant une prise de position sur les mini-chiens. Une tendance à la mode, regrette l’ASMPA; leur taille est en effet pratique, car ils sont idéaux dans les petits appartements ou pour emprunter sans souci les transports publics, ils coûtent moins cher à nourrir que les chiens de plus grande taille et sont faciles à promener pour les enfants et les personnes âgées. Le chihuahua, le spitz nain, le yorkshire terrier, le shih tzu, le caniche toy, le chin japonais, le lhasa apso, le Boston terrier et le teckel nain sont donc particulièrement appréciés dans les régions urbaines. Les futurs propriétaires d’animaux tendent volontiers à oublier le fait que «ces petits chiens peuvent être des spécimens très exigeants en termes d’éducation et de comportement canin». Et même si ce n’est depuis longtemps plus un secret pour personne que les chiens miniatures tombent souvent malades, cela est souvent occulté lors de l’achat. La position aborde des maladies neurologiques importantes telles que l’hydrocéphalie congénitale, l’instabilité atlanto-axiale, la surdité congénitale, l’encéphalomyélite de cause inconnue et les hernies discales. L’ASMPA y demande que «les vétérinaires se prononcent clairement contre l’acquisition de telles races auprès de leur clientèle».
Parce que de plus en plus de mini-chiens sont présentés dans les cabinets, l’ASMPA FVH petits animaux organise, le mercredi 23 avril lors des Journées suisses des vétérinaires 2025 à Bâle, l’avant-congrès «Races mini et toy: ces pathologies qu’il faut connaître».

 
TYPO3 Agentur