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L’IVI mène des recherches sur un vaccin contre la peste porcine africaine
La peste porcine africaine (PPA) se propage. Ce virus très complexe constitue encore une énigme pour les chercheurs. L’IVI participe au projet de coopération internationale visant à établir un dossier d’enregistrement d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour un vaccin contre la maladie.
La PPA se propage en Europe. Même si aucun foyer ne s’est encore déclaré en Suisse (voir l’encadré), à l’Institut de virologie et d’immunologie (IVI) de Mittelhäusern, les équipes d’Artur Summerfield et de Nicolas Ruggli participent au développement d’un vaccin destiné au marché européen, en collaboration avec sept autres instituts d’Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique, d’Espagne, de France et des États-Unis, ainsi qu’avec l’entreprise pharmaceutique Zoetis. Pour que le vaccin puisse être administré aussi aux sangliers, sa formulation doit permettre de l’ajouter à des appâts que ces animaux mangeront. Dans le cadre de ce projet Horizon Europe ASFaVIP (African Swine Fever attenuated live Vaccines In Pigs), dirigé par l’Institut allemand Friedrich Loeffler (FLI), les partenaires du projet souhaitent également identifier la réponse immunitaire protectrice contre le virus de la PPA afin d’être en mesure de développer de meilleurs vaccins.
«La PPA est une maladie mortelle difficile à maîtriser», explique Artur Summerfield, responsable de l’immunologie à l’IVI et professeur à l’Université de Berne. Les foyers locaux chez les sangliers pourraient être combattus en posant des clôtures pour les enfermer dans une zone donnée puis en les tirant. Toutefois, un vaccin est essentiel pour lutter contre la maladie lorsque le virus est très dispersé géographiquement, comme c’est le cas dans une grande partie de l’Europe de l’Est.
Actuellement, seul le Vietnam a autorisé un vaccin contre la PPA. Le projet de recherche ASFaVIP a maintenant pour objectif de constituer un dossier d’enregistrement d’AMM pour que le vaccin puisse être utilisé en Europe. Pour cela, il faut rassembler un grand nombre d’informations comme la durée de l’immunité après la vaccination, l’effet du vaccin chez des porcs d’âge différent, la possibilité de l’utiliser sur des truies gestantes ou encore la concentration des doses. «Nous devons démontrer que le vaccin est efficace et sûr», explique Artur Summerfield. La question est aussi de savoir si l’on peut distinguer les animaux infectés des animaux vaccinés. Afin de recueillir toutes les données nécessaires pour répondre à ces questions, l’IVI pratique notamment des expériences sur des porcs domestiques.
«Nous essayons également de comprendre le fonctionnement du système immunitaire des porcs après une infection par le virus de la PPA», explique Artur Summerfield. En effet, en dépit d’années de recherche, l’épizootie garde de nombreuses zones d’ombre. La PPA est due à un grand virus à ADN dont le génome est très complexe et qui code pour environ 170 protéines. «Il est bien plus grand que la plupart des virus qui nous menacent.» Jusqu’à présent, la méthode essais-erreurs était privilégiée pour développer des vaccins. «Des analyses de corrélation nous ont permis de nous rapprocher de manière significative des mécanismes de protection immunologiques.» Pour ce faire, de très grandes quantités de données immunologiques, cliniques et virologiques ont été collectées et analysées de manière approfondie à l’aide de la bio-informatique. «De cette manière, nous avons pu différencier la réponse immunitaire protectrice de la réponse immunitaire pathogène. Nous utilisons maintenant cette information pour adapter le vaccin.»
Une grande inconnue subsiste cependant, car le taux d’anticorps chez le porc n’est pas lié au degré de protection. «Nous n’avons pas encore compris comment les anticorps fonctionnent dans le cas de la PPA. Le virus attaque le système immunitaire, entraînant une immunopathologie. En fin de compte, ce n’est pas le virus qui tue l’animal, mais la réponse immunitaire», explique Artur Summerfield. Pour comprendre ce phénomène, il faut approfondir la recherche fondamentale. «Nous voulons savoir ce qui se passe exactement et à quel moment les défenses immunitaires font fausse route.» Aujourd’hui, on sait qu’il n’existe pas qu’une seule protéine virale qui confère une protection immunologique aux animaux.
Les porcs peuvent être protégés de la transmission de la PPA en garantissant une bonne biosécurité dans les exploitations, par exemple en posant des clôtures et en respectant les mesures d’hygiène. Néanmoins, une vaccination par injection peut s’avérer utile dans certaines circonstances. Comme cette méthode peut difficilement être utilisée chez les sangliers, il faudrait pouvoir placer le vaccin dans un appât, même s’il n’est jamais possible de garantir que tous les sangliers de la population concernée mangeront l’un de ces appâts et seront ainsi vaccinés. «Pour toutes ces raisons, le projet inclut aussi l’étude du pourcentage d’une population qui devrait être vaccinée pour stopper la propagation du virus.»
Le vaccin pour lequel le projet de coopération ASFaVIP prépare un dossier d’enregistrement d’AMM contient des virus vivants atténués. Le risque existe donc que le virus se modifie après la vaccination et devienne plus virulent. «Jusqu’à présent, c’est pourtant la seule forme de vaccin qui offre une protection contre la PPA», souligne Artur Summerfield. Comme il ne s’agit pas de vacciner les animaux à grande échelle, chaque région pourrait décider s’il est judicieux ou non d’utiliser le vaccin. «Le vaccin n’est pas parfait, mais il est suffisamment bon pour que les bénéfices qu’il apporte l’emportent sur d’éventuels dommages.» Avant qu’il ne soit autorisé, il faudra cependant poursuivre les recherches et rassembler encore davantage de données.
Video «Peste porcine africaine– Symptômes cliniques chez le porc – comment et quand réagir?»
Un virus très résistant
Si la PPA ne présente aucun risque pour l’être humain, elle touche les porcs domestiques tout comme les sangliers. À l’origine la maladie sévissait seulement en Afrique, où elle était transmise par les tiques. En 2007, elle a été introduite en Géorgie, d’où elle s’est propagée dans les pays voisins. En 2014, elle a fait sa première apparition dans les pays baltes et en Pologne. Depuis, la PPA s’est propagée jusqu’en Allemagne et au nord de l’Italie, touchant plus particulièrement les régions proches de la frontière suisse, notamment le sud du Piémont et le district de Pavie. Même si aucun cas n’a encore été détecté en Suisse, le risque d’apparition de la maladie est donc bien réel. Selon l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV), l’épizootie a été détectée chez des sangliers à seulement 55 kilomètres environ au sud-ouest de la frontière suisse. Le virus est très résistant: il peut survivre plusieurs mois dans les cadavres d’animaux et rester infectieux plus de six mois dans les produits à base de viande de porc ou de sanglier congelée, séchée, ou salée (par ex. jambon cru, saucisses). En Europe, la PPA se transmet par contact direct avec des animaux infectés ou avec leurs cadavres, ainsi que par les déchets alimentaires contenant de la viande de porc contaminée. Le virus peut ainsi être transporté sur de longues distances en peu de temps dans des provisions de voyage. Des restes de sandwichs provenant des régions touchées par la PPA et jetés par terre sur des aires de repos ou dans des poubelles ouvertes sont une source de nourriture facile d’accès très appréciée des sangliers. Si des sangliers ou des porcs domestiques mangent ces déchets, cela peut générer un nouveau foyer infectieux. L’OSAV rappelle donc qu’il est impératif de déposer les déchets alimentaires dans des poubelles fermées. L’utilisation de véhicules, d’outils agricoles et de certains équipements (par ex. matériel de chasse) peut aussi contribuer à la propagation de l’épizootie.