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«La bio-informatique répond à des questions de biologie à l’aide d’ordinateurs»
La bio-informatique est devenue incontournable dans le domaine du diagnostic et de la recherche. C’est le cas également à l’Institut de virologie et d’immunologie (IVI), où huit bio-informaticiens soutiennent le travail de laboratoire.
Michele Wyler commence souvent son travail à l’étable de l’Institut de virologie et d’immunologie (IVI) à Mittelhäusern: «Je réfléchis et je consigne les premières réflexions dans mon cahier.» En regardant les animaux, il esquisse sur le papier des pistes pour créer un programme informatique permettant de répondre à des questions que posent la recherche et le diagnostic. «Ce qui est important, c’est de trouver l’idée qui me permettra de faire des énoncés à partir des données».
Le Tessinois est bio-informaticien: il est capable de traiter d’immenses quantités de données de manière à ce que les chercheurs puissent en tirer de nouvelles connaissances. «Pourtant, je ne suis pas du tout un passionné de technique», dit Michele Wyler. «Je n’ai jamais souhaité développer des logiciels – c’est la biologie qui m’intéresse.».Il a d’ailleurs commencé par étudier l’agronomie. «La bio-informatique est quelque chose de très logique et de purement artisanal», dit-il. «Elle répond à des questions de biologie à l’aide d’ordinateurs.»
Claudia Bachofen, responsable de la division Diagnostic et développement à l’IVI, se réjouit du travail de Michele Wyler. «Nous sommes dépendants des bio-informaticiens, car nous évaluons aujourd’hui souvent d’énormes quantités de données.» Il est important que les bio-informaticiens comprennent ce qui est pertinent pour une étude; c’est pourquoi il est préférable qu’ils aient une formation en sciences naturelles ou en médecine (vétérinaire).
La bio-informatique doit être intégrée dès la planification du projet pour que les chercheurs puissent saisir les données de manière adéquate. Michele Wyler ajoute: «La sélection et la préparation des échantillons en laboratoire influencent l’exploitabilité des données par la bio-informatique; et le bio-informaticien doit comprendre quel est l’objectif du projet.»
Artur Summerfield, responsable de l’immunologie à l’IVI et professeur à l’Université de Berne, en est également convaincu. Dans la recherche, on commence généralement par échafauder une hypothèse qui servira de base à l’établissement d’un protocole expérimental. L’intégration de la bio-informatique dès la planification garantit que les données générées permettront de vérifier l’hypothèse. C’est pourquoi, dit-il, il est extrêmement important d’échanger. Aujourd’hui, de nombreuses questions simples en immunologie sont éclaircies. «Seules les questions très complexes, comme celles qui se posent à propos du SIDA, du cancer ou de la peste porcine africaine, ne sont pas encore résolues.» Une étude menée à l’IVI tente, par exemple, d’identifier la réponse immunitaire protectrice contre le virus de la peste porcine africaine en mesurant la réponse transcriptionnelle complète de toutes les cellules immunitaires au niveau de la cellule individuelle. «De tels ensembles de données ne peuvent pas être traités par le cerveau humain, mais par la bio-informatique», explique Artur Summerfield. Pour se rapprocher d’un vaccin, l’IVI analyse également de tels ensembles de données à l’aide de méthodes d’intelligence artificielle ou d’apprentissage automatique.
Détection précoce
La division Diagnostic et développement de l’IVI utilise la bio-informatique pour la caractérisation d’agents responsables d’épizooties et l’identification de nouveaux virus. «Grâce à de nouvelles technologies de séquençage non spécifiques suivies d’analyses bio-informatiques, il est possible de détecter de nouveaux virus potentiellement dangereux», explique Claudia Bachofen. «Par exemple, dans le cadre d’une thèse de médecine vétérinaire, nous déterminons tous les virus présents dans des échantillons prélevés sur des oiseaux sauvages et évaluons leur potentiel zoonotique.» Sans la bio-informatique, il serait impossible d’analyser rapidement ces grandes quantités de données.
Recherche ciblée
Mais l’IVI utilise également la bio-informatique pour caractériser des agents connus responsables d’épizooties. «Par exemple, dans le cas de la grippe aviaire, nous voulons savoir le plus rapidement possible quel est le génotype du virus, afin d’obtenir des informations sur la provenance du virus et par quelle voie il est arrivé en Suisse», explique Claudia Bachofen. Pour ce faire, l’ensemble du génome doit être entièrement séquencé le plus rapidement possible et comparé à des souches de référence internationales. «Nous comparons les connaissances génétiques acquises dans le monde entier avec nos propres données – de cette mise en réseau naît quelque chose qui a du sens», explique Michele Wyler. «Cela nous permet, par exemple, de rechercher des profils viraux et de détecter de nouveaux virus.»
Soutien dans les tâches de routine
La bio-informatique soutient également le diagnostic dans les tâches de routine. S’il faut, par exemple, vérifier si un test PCR détecte toujours toutes les souches d’un virus, cela demandait naguère beaucoup de travail. Grâce à un programme informatique spécialement conçu à cet effet, cette opération est désormais très rapide et simple. «La bio-informatique peut automatiser des processus complexes et nous décharge de certaines tâches», explique Claudia Bachofen.
Les technologies telles que le séquençage de nouvelle génération (Next Generation Sequencing, NGS) sont utilisées depuis longtemps en médecine vétérinaire. Pour pouvoir exploiter pleinement leur potentiel et être ainsi prêt à relever les défis futurs en matière de recherche et de diagnostic, il faut – du moins pour Michele Wyler – à la fois bricoler sur son ordinateur et développer à l’étable.