Journal Schweiz Arch Tierheilkd  
Verlag GST  
Heft Band 165, Heft 7_8,
juillet 2023
 
Thema Sonderheft Tierwohl / cahier spécial Bien-être animal  
ISSN (print) 0036-7281  
ISSN (online) 1664-2848  
online seit 04 juillet 2023  
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Focus

Qu’en est-il du bien-être des animaux partageant notre vie à la maison

Dr. Marianne Furler, Vétérinaire comportementaliste STVV

La nourriture seule n’est pas suffisante au bien-être des animaux domestiques. Selon les «Five Freedoms» de Roger Brambell, une vie libre de peur et de stress fait partie, entre autres, des facteurs qui contribuent au bien-être des animaux.

Depuis que Roger Brambell a défini les «cinq libertés» pour les animaux de rente dans les années 1960 (voir encadré), la détention des animaux s’est beaucoup améliorée, notamment pour les petits animaux de compagnie. Les détentrices et détenteurs sont bien informés et s’efforcent généralement d’assurer une détention et une alimentation conforme aux besoins de l’espèce en question. Les informations nécessaires à cela sont facilement accessibles grâce à internet et aux médias sociaux. Pourtant, une vie indemne de peur ou de stress, de même que la possibilité d’exprimer un comportement normal ne vont pas toujours de soi pour tous les animaux.

Pour ce qui est des chats, hélas, il en va souvent tout autrement. Par ignorance et trop fréquemment, la détention exclusive en appartement ne tient pas compte de leurs besoins spécifiques. Toilettes ou litières inadéquates, cohabitation avec des congénères incompatibles, manque d’enrichissement, alimentation inadaptée, ennui chronique, longues absences quotidiennes de propriétaires travaillant à temps complet.

Ces chats «disparaissent» dans les appartements et aussi longtemps qu’ils supportent leurs conditions de vie, personne ne remarque que leur bien-être est affecté. Ce n’est que quand des problèmes de santé se manifestent, tels que troubles de la miction, obésité, diabète ou arthrose, que les gens se rendent dans un cabinet vétérinaire. C’est alors l’occasion, pour le praticien traitant, de s’informer des conditions de détention et de les améliorer, ces pathologies résultant fréquemment d’un mode de vie inadapté à l’espèce. En cas de problèmes comportementaux comme malpropreté, marquage, agressivité envers les humains ou les autres chats vivant sous le même toit, les propriétaires tendent à chercher de l’aide un peu plus tôt. Mais les spécialistes en médecine comportementale se voient régulièrement présenter des chats malpropres depuis des années ou qui, leur vie durant, ont dû cohabiter avec un congénère qu’ils détestent ou qui les harcèle.

Nombre de personnes estiment que les chats passent le plus clair de leur temps à dormir et, donc, qu’on peut les laisser seuls dans l’appartement toute la journée. Quelle en est la conséquence? Un incommensurable ennui, situation qui affecte considérablement le bien-être des individus quelle que soit leur espèce.

Une détention restrictive de cet ordre peut induire des troubles de l’anxiété chez les chats. Ils souffrent d’être enfermés ou de devoir subir la présence d’un ou plusieurs congénères incompatibles; ils ne supportent pas les conditions imposées pour faire leurs besoins (couvercle sur le bac, toilettes non nettoyées quotidiennement, placées à un endroit inapproprié) ou sont stressés parce que leur alimentation n’est pas adaptée. Mais, avant tout, le chat souffre d’ennui, faute de pouvoir développer la moindre activité propre sans être tributaire de son propriétaire.

Offrir aux chats privés d’accès à l’extérieur une vie intéressante et adaptée à la gent féline est à la fois exigeant et chronophage. D’ailleurs, est-il même possible de répondre aux besoins de chats hautement actifs lorsqu’on travaille à plein temps? Parfois, la détention de deux chats ou davantage ne fait qu’empirer les choses: en effet, seuls de bons amis tirent profit de leur compagnie mutuelle, sinon toute forme de cohabitation devient source de stress supplémentaire.

Information prophylactique

Une information sur les besoins des chats détenus en appartement serait souhaitable à un stade aussi précoce que possible, afin que les futurs propriétaires puissent se préparer à la tâche exigeante qui les attend: celle d’offrir une bonne qualité de vie à leurs chats d’intérieur. À ce sujet, des fiches informatives de la STVV («Une alimentation qui respecte les besoins du chat» et «Prévenir la malpropreté du chat») à télécharger sur Internet sont à disposition.

Les chiens sont-ils mieux lotis?

Au cours d’une évolution de plus de 30 000 ans, nos chiens se sont transformés en fidèles compagnons de l’homme. On estime que 75 pour cent de la population canine mondiale vit à proximité des humains et cherche sa nourriture dans les déchets, car au fil du temps, elle a largement perdu sa capacité de chasser et manger les proies plus grandes que de petits mammifères. Les chiens «détenus» par l’humain se trouvent dans une relation asymétrique: en contrepartie de la nourriture et des soins, ils ont dû renoncer à bien des libertés. L’homme décide de tous les aspects de l’existence d’un chien domestique tels que l’alimentation, le déroulement de la journée, le mouvement, les contacts sociaux et sexuels.

Cette situation devient problématique quand les propriétaires surprotègent leurs chiens. Des exemples? Ils commencent par garder les chiots presque toujours, voire exclusivement, en laisse, estiment que, quel que soit l’âge, tout contact avec des congénères ne peut être que dangereux et reportent sur l’animal leurs peurs et insécurités. Souvent, ces personnes se laissent facilement influencer par des conseils dépourvus de toute base scientifique ou réfutés depuis longtemps.

Le chien est choisi en fonction de son aspect, indépendamment des caractéristiques auxquelles il faut s’attendre, comme un grand besoin d’activité, un instinct de chasse prononcé ou des restrictions dues à des particularités anatomiques, ainsi qu’en méconnaissance du degré probable de disposition à la coopération. Le chien doit toujours et partout obéir au doigt et à l’œil, faire preuve d’un parfait contrôle de soi et de l’impulsion, se comporter sagement à la maison, même quand il est laissé seul et, bien entendu, se montrer amical lors de toute rencontre avec des personnes ou des animaux.

En cas de problèmes, parce que le chien choisi ne remplit pas ou ne peut remplir ces attentes, le recours à des conseils non professionnels ou à des méthodes éducatives inappropriées s’avère plus nuisible qu’utile. Les méthodes dépassées fondées sur l’idée que le conducteur ou la conductrice doit être le «chef» sont en général contreproductives et font souvent l’impasse sur l’état émotionnel du chien. Or, ignorer les signaux d’insécurité et de peur de son chien est le meilleur moyen pour perdre sa confiance.

Quelles en sont les conséquences? Des chiens frustrés, des chiens comme «robotisés», ne s’extériorisant plus, voire souffrant d’impuissance acquise, des chiens qui, parce que leurs peurs sont ignorées, développent des troubles comportementaux. Et des humains ne se rendant pas compte de ces signaux de détresse ou dépassés par des comportements qui les dérangent.

Un chien parfait ou un chien heureux?

À l’instar de tous les êtres vivants, les chiens souhaitent avoir le contrôle de leurs activités et pouvoir prendre eux-mêmes des décisions. Et l’humain, en sa qualité de responsable du bien-être de son animal, doit le lui permettre aussi souvent que possible, tant que cela ne porte atteinte ni à autrui ni aux congénères ou autres animaux.

Les propriétaires de chiens doivent se rendre compte qu’appréhender le monde extérieur au bout d’une laisse constitue une situation aversive, potentiellement néfaste au bien-être (observation qui s’applique à tout animal maintenu à l’attache). Par ailleurs, le mouvement en liberté est important pour la santé de l’appareil locomoteur et le maintien des fonctions cognitives. (OPAn art. 71 al. 1: Les chiens doivent être sortis tous les jours et en fonction de leur besoin de mouvement. Lors de ces sorties, ils doivent aussi, dans la mesure du possible, pouvoir se mouvoir librement sans être tenus en laisse.)

Le chien «socialement compétent» devrait avoir autant de contact qu’il le souhaite avec des congénères se trouvant dans les mêmes dispositions et, si les circonstances s’y prêtent, s’adonner au jeu sans entraves. (OPAn art. 70 al. 1: Les chiens doivent avoir tous les jours des contacts suffisants avec des êtres humains et si possible d’autres chiens.)

Par ailleurs, il incombe à chacun de préserver son chien d’événements désagréables, par exemple lors de contacts non souhaités avec des personnes ou des chiens étrangers. Nombre de chiens sont malheureux s’ils doivent rester seuls à la maison. Certains ne supportent pas de se trouver dans une grande ville ou au restaurant. Sans oublier que si les chiens profitent incontestablement de la sollicitude humaine sur le plan culinaire, il n’y a aucune raison de les obliger à manger leur vie durant des aliments qu’ils n’aiment pas.

En résumé

Le ou la vétérinaire peut apporter une contribution importante: rendre les propriétaires conscients qu’une vie de chien est courte et que l’accent ne devrait pas être mis sur l’obéissance la plus parfaite possible, mais sur le bien-être de l’animal.

Jouer sans entraves contribue au bien-être. (© Marianne Furler)

Les cinq «libertés»

En 1965, le zoologiste Roger Brambell a défini les «Five Freedoms» pour les animaux de rente. Son concept a ensuite été étendu pour s’établir:

  • Absence de faim, de soif et de malnutrition: les animaux ont un libre-accès à de l’eau fraîche et reçoivent une alimentation qui maintient leur pleine santé et leur vitalité.
  • Absence d’inconfort: les animaux bénéficient d’un environnement approprié, y compris d’un abri et d’une aire de repos agréable.
  • Absence de douleur, de blessure et de maladie: les maladies et les blessures des animaux sont évitées autant que possible ou rapidement diagnostiquées et traitées grâce à des soins vétérinaires.
  • Absence de peur et de détresse: les animaux vivent dans des conditions qui préviennent une détresse psychologique.
  • Possibilité d’exprimer un comportement normal: les animaux bénéficient d’un espace suffisant et de la compagnie de congénères, à condition qu’ils ne soient pas d’une espèce solitaire.
 
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