Rage
Fiche d’informationLa rage chez les chiens et les chats
La rage dans le monde
La rage est une zoonose répandue dans le monde entier, considérée en Suisse comme une maladie à éradiquer (OFE, art. 128–131 et art. 142–149). L’OMS estime qu’environ 50 000 personnes meurent chaque année de la rage, principalement en Afrique et en Asie ; environ 40% des victimes sont des enfants de moins de 15 ans. Tous les mammifères sont considérés comme sensibles. Dans l’est de l’Europe, les renards et les chauves-souris constituent toujours le principal réservoir, ces dernières certes dans une bien moindre mesure par rapport au risque encouru par les autres mammifères et l’être humain. Chez celui-ci, plus de 90 % des infections sont dues à une morsure de chien. Les cas de rage humaine transmis par des animaux sauvages sont relativement rares et les infections par morsure de chauve-souris sont encore plus rares en Europe.
Le virus
La rage est causée par un virus à ARN enveloppé du genre Lyssavirus de la famille des Rhabdoviridae. Au sein du genre Lyssavirus, on distingue de nombreuses espèces, le Rabiesvirus classique (RABV) étant le plus important sur la planète concernant la santé humaine et animale. Le virus est rapidement inactivé par les détergents (savon), l’alcool, l’iode, les phénols, d’autres désinfectants ainsi que par les rayons UV et la chaleur. Il ne survit pas dans l’environnement, de sorte qu’il n’y a pas de transmission indirecte. Le virus peut survivre longtemps lorsque les températures sont basses ou dans les cadavres congelés.
Situation actuelle en Europe
La Suisse est officiellement considérée comme indemne de rage terrestre depuis 1999. En 2003, un cas de rage importé est survenu chez un chiot dont l’origine – selon la séquence virale – était l’Afrique du Nord. En 2017, le virus de type EBLV-1 a été détecté chez une chauve-souris malade qui avait mordu un promeneur ; la personne concernée a reçu une prophylaxie post-exposition (PEP). Même auparavant, la rage des chauves-souris n’avait été détectée en Suisse que dans 3 cas (1992 FR, 1993 GE et 2002 GE ; virus de chauve-souris de type EBLV-2). En Europe, selon le «Rabies Bulletin Europe» (OMS), 2939 cas de rage au total ont été enregistrés pour 2019 (1648 chez des animaux domestiques, 1244 chez des animaux sauvages, 41 chez des chauves-souris, 6 chez l’être humain). Chez les animaux domestiques, la plupart des cas (par ordre décroissant) se sont produits en Ukraine, en Turquie, en Russie, en Moldavie et en Géorgie, un cas en Roumanie et un cas importé en Espagne (Ceuta).
Les chiens importés illégalement représentent un risque d’apparition de rage en Europe centrale et occidentale. En 2021, un cas de rage est apparu en Allemagne chez un kangal importé illégalement de Turquie. Près de 30 personnes affiliées à un cabinet vétérinaire ont dû être soumises à une PEP. En 2013, un cas est apparu en France chez un chaton importé illégalement du Maroc, en 2015, également en France, un cas chez un chiot importé illégalement d’Algérie, en 2020 en Espagne, un cas chez un chien ramené de Melilla et, également en 2020, un cas chez un chien emporté du Maroc.
Transmission et période d’incubation
La rage se transmet principalement par la salive d’animaux infectés, notamment par morsure, plus rarement par griffure, blessure superficielle de la peau ou contact avec les muqueuses. Ce n’est que très rarement, par exemple dans des circonstances particulières en laboratoire, que des infections ont été décrites chez l’être humain par inhalation d’aérosols contenant le virus. Après une infection, le virus reste en général assez longtemps localement dans les tissus sans se multiplier de manière significative. Il n’entraîne aucune réaction immunologique de l’hôte et n’est en aucun cas détectable (éclipse !). Ce n’est qu’après le contact avec une plaque terminale neuromusculaire que le virus pénètre dans le système nerveux périphérique, où il est transporté activement et assez rapidement vers le SNC par le flux axonal rétrograde (~1 cm/h). Ce n’est qu’à partir de ce moment qu’il peut être répliqué activement dans le péricaryon des neurones et, via le système nerveux périphérique, atteindre en particulier les glandes salivaires, où il est parfois détectable quelques jours avant l’apparition des symptômes neurologiques. La mort survient presque toujours dans les 7 à 10 jours suivant l’apparition des symptômes.
La période d’incubation est très variable (souvent de plusieurs semaines à plusieurs mois) et dépend entre autres de la localisation de la morsure, de l’innervation de la porte d’entrée, de la variante du virus et de la quantité de virus transmise. Chez les animaux domestiques, les symptômes apparaissent généralement dans les 3 à 12 semaines suivant l’infection, rarement après plus de 6 mois. Sur cette base, un délai d’attente d’au moins 4 mois après la vaccination antirabique s’applique à l’importation de chiens et de chats en provenance de pays à risque de rage (au moins 1 mois jusqu’à la détermination du titre, si le titre est suffisant, au moins 3 mois d’attente jusqu’à l’entrée dans le pays, voir prophylaxie). Chez l’être humain, la période d’incubation est généralement de 1 à 3 mois, mais des périodes d’incubation plus courtes (4 jours) et des périodes d’incubation de plus d’un an ont également été décrites.
Symptômes chez les chiens et chats
Une infection par la rage est rapidement progressive et presque invariablement mortelle après l’apparition des symptômes. En principe, on distingue une rage furieuse et une rage silencieuse (paralytique), mais les symptômes sont variables, pas toujours caractéristiques, et tous les animaux ne passent pas par tous les stades cliniques. Pendant la phase prodromique, qui dure 2 à 3 jours, on observe des changements de comportement tels que la nervosité, la timidité ou l’attachement, parfois de la fièvre et souvent une hyperesthésie ou des démangeaisons à l’endroit de la morsure. Ces symptômes peuvent également passer inaperçus. Dans la phase aiguë de la maladie qui suit, les animaux présentent, lors de rage fulgurante, entre autre une hyperactivité, une hyperesthésie, une tendance accrue à la morsure, un pica, une désorientation, un tremblement musculaire et des convulsions généralisées. Les animaux meurent à la suite de crises convulsives ; parfois, une courte phase paralytique précède la mort. La rage silencieuse (paralytique) se caractérise par une paralysie ascendante du lower motor neuron (LMN). Les animaux présentent des déficiences des nerfs crâniens qui s’accompagnent notamment d’une paralysie laryngée, de salivation et de «dropped jaw». Au fur et à mesure de l’évolution, les animaux deviennent comateux et meurent suite à un arrêt respiratoire.
Diagnostic
La rage doit toujours figurer sur la liste des diagnostics différentiels lorsqu’un animal présente soudainement des changements de comportement marqués ou des symptômes du système nerveux central (notamment une paralysie du LMN). Le diagnostic ne peut être posé que post-mortem et se base sur la détection de l’agent pathogène par immunofluorescence dans le cerveau. Pour ce faire, l’animal entier (la tête seulement pour les grands animaux) devrait être emballé dans trois couches et envoyé en tant que « UN 3373, substance biologique, catégorie B » par courrier express au centre antirabique de Berne. Informations à ce sujet sous www.ivi.unibe.ch > Dienstleistungen > Diagnostik > Schweizerische Tollwutzentrale > Antrag für Tollwut-Diagnostik
Voyager: Prophylaxie chez le chien, le chat et le furet
Il n’y a plus d’obligation de vaccination pour les chiens en Suisse. Des dispositions légales existent pour le passage de la frontière par les chiens, les chats et les furets. Les conditions pour la (ré)entrée en provenance de l’UE sont:
- identification au moyen d’une puce électronique
- vaccination antirabique valable
- passeport officiel pour animaux de compagnie correctement rempli
Vous trouverez des informations détaillées et la liste des pays à risque de rage ici: www.blv.admin.ch > Animaux > Voyager avec des animaux de compagnie > Chiens, chats et furets
En cas d’entrée en provenance d’un pays tiers, les dispositions diffèrent selon que l’entrée a lieu depuis un pays à faible risque de rage ou depuis un pays à risque de rage. En cas d’entrée en provenance d’un pays à risque de rage, des conditions supplémentaires doivent être remplies (titre rabique suffisant, délais d’attente de 3 mois, autorisation d’importation de l’OSAV, etc.). Toutes les conditions d’importation et les documents nécessaires sont énumérés dans l’aide en ligne de l’OSAV « Passer la frontière avec son chien, son chat ou son furet »: www.blv.admin.ch > Animaux > Voyager avec des animaux de compagnie > Outil en ligne
Prophylaxie chez l’être humain
Prophylaxie pré-exposition: selon les recommandations de la CFV, la vaccination contre la rage est recommandée en Suisse à tous les vétérinaires, aux étudiant-es en médecine vétérinaire, aux AMV et aux gardien-nes d’animaux (personnes à risque professionnel).
Prophylaxie post-exposition (PEP): une PEP devrait être mise en place dès qu’une exposition potentielle au virus de la rage a eu lieu. Elle est très efficace, mais uniquement si elle est appliquée avant l’apparition des symptômes et si elle est correctement effectuée. Une PEP comprend toujours le traitement des plaies (nettoyage consciencieux à l’eau et au savon, désinfection, soin des plaies) et la vaccination active, ainsi que, selon la situation, une immunisation passive supplémentaire.
Recommandations de vaccination pour le personnel des cabinets et cliniques vétérinaires
Pour le personnel vétérinaire en contact direct avec les animaux, il est recommandé de procéder à une vaccination antirabique en plus des vaccinations de base (y compris la vaccination contre le tétanos). Pour vérifier la protection après une vaccination préexpositionnelle, il convient de procéder à une détermination du titre rabique (la première fois 21 jours après la vaccination de base effectuée aux jours 0 et 7, puis tous les 5 ans à partir du rappel annuel sans autre contrôle). En cas d’indication de vaccination professionnelle, les coûts sont pris en charge par l’employeur conformément à la loi sur le travail (art. 6 LTr) et à la loi sur l’assurance-accidents (article 82 LAA) ; cf. plan de vaccination suisse 2021 (annexe 2 et tableau 6.2).
Situation: avril 2022
Références importantes
Rabies Bulletin Europe. www.who-rabies-bulletin.org
Rapports annuels du Centre suisse de la rage.
www.ivi.unibe.ch/dienstleistungen/diagnostik/schweizerische_tollwutzentrale/jahresberichte/index_ger.html
Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires, Voyager avec des animaux de compagnie.
https://www.blv.admin.ch/blv/fr/home/tiere/reisen-mit-heimtieren.html
Office fédéral de la santé publique, Commission fédérale pour les vaccinations: Directives et recommandations «Prophylaxie pré- et postexpositionnelle de la rage humaine». Janvier 2021.
https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/krankheiten/krankheiten-im-ueberblick/tollwut.html
C.M. Brown, et al. Compendium of animal rabies prevention and control, 2016. JAVMA, 248 (5) (2016), pp. 505–517.
Auteurs et autrices
PD Dr med. vet. Barbara Willi Ph.D., dipl. ACVIM et ECVIM-CA, membre de la commission de vaccination SVK-ASMPA, Faculté Vetsuisse, Université de Zurich
Prof. Dr med. vet. Reto G. Zanoni, Centre suisse de la rage, Institut de virologie et d’immonologie IVI, Faculté Vetsuisse, Université de Berne
Participation
Dr med. vet. Claudia Nett-Mettler, Diplomate ACVD & ECVD, vetderm.ch – Dermatologie und Allergologie für Tiere, Ennetseeklinik, Hünenberg und Schwäntenmos, Zumikon
Dr med. vet. Andrea Spycher, Vétérinaire spécialisée FVH pour petits animaux, Tierarztpraxis Bern-West GmbH, Berne
Dr med. vet. Stefan Schellenberg, Dipl ACVIM (SAIM) Tierklinik Aarau West