Rage
Success story de NetAPIndemne de rage depuis 13 ans grâce au «Dog Protection Program» en Inde
Le projet indien de protection des chiens «Dog Protection Program» prouve que les êtres humains aussi peuvent bénéficier d’une protection globale des animaux.
Les brochures de prévention illustrées rencontrent un intérêt marqué dans les écoles. Shridevi et Viru expliquent aux élèves à quoi ils doivent faire attention dans le contact avec les chiens des rues. Les brochures ont pour but d’aider à intégrer la matière apprise. Visiblement, les enfants ont du plaisir à ce changement bienvenu par rapport aux leçons habituelles. Heureusement, la plupart d’entre eux aiment les chiens. Car, comme c’est le cas partout en Inde, les canidés sont innombrables dans la grande cité de Visakhapatnam.
Visakhapatnam est située dans l’État d’Andhra Pradesh, au bord du golfe du Bengale. Dénombrant à peine deux millions d’habitants, la ville compte parmi les centres urbains affichant la croissance la plus rapide au monde. Raffineries, industrie des engrais chimiques, usines de charbon et aciéries marquent le paysage, créant des emplois et assurant une croissance économique soutenue. Le trafic est meurtrier et le smog constant. Il n’y a que pendant les mois d’hiver que le climat y est supportable, car la chaleur et l’humidité sont étouffantes en été et le risque de cyclones augmente à partir du mois de juin.
Castrer et vacciner au lieu de tuer
C’est dans cet environnement hostile que vivent des milliers de chiens des rues, ce que nombre de citadins ne voient pas d’un bon œil. Et comme partout au monde où la surpopulation canine entraîne des conflits avec les humains, des opérations d’éradication avaient aussi régulièrement lieu à Visakhapatnam. Si elles servaient aussi à «nettoyer» la ville de ses hôtes indésirables, leur raison principale était d’endiguer le risque de rage. L’expérience montre que de telles mesures sans visée à long terme n’offrent jamais les résultats escomptés : en peu de temps, les territoires prétendument vidés sont à nouveau colonisés par de nouveaux chiens.
Aujourd’hui, Visakhapatnam affiche un tout autre visage. Mis en place il y a 13 ans, un programme global de protection des chiens permet d’améliorer l’entente et la cohabitation entre chiens et humains : le «Dog Protection Program», abrégé DPP.
Ce programme est basé sur une collaboration entre l’organisation locale de protection des animaux Visakha Society for the Protection and Care of Animals (VSPCA) et l’organisation suisse NetAP, Network for Animal Protection. Il englobe, outre le vaste programme de sensibilisation, qui inclut des visites dans les écoles, un programme étendu de castration, y compris la prévention de la rage, l’exploitation de deux refuges pour animaux, des sauvetages, des programmes d’adoption, un programme d’alimentation pour les meutes urbaines, la formation de vétérinaires, un programme d’activation pour les chiens handicapés et, désormais, une étroite collaboration avec la police, les autorités vétérinaires et la municipalité.
Tout a commencé il y a 13 ans avec une campagne brutale d’éradication de chiens de grande envergure. Après que la rage, très répandue en Inde, ait de nouveau fait une victime humaine dans l’agglomération de Visakhapatnam, on a commencé, en plus des mises à mort de toute façon courantes à l’époque, à abattre partout d’autres chiens, par crainte de nouvelles infections. Le virus se trouve dans la salive des animaux enragés et se transmet à l’être humain par morsure ou par griffure. La peur de la rage était grande et les connaissances en matière de prévention quasi inexistantes.
L’Asie et l’Afrique points chauds de la rage
Selon les estimations de la Global Alliance for Rabies Control, environ 59 000 personnes meurent chaque année de la rage dans le monde, dont 95 % dans les pays en développement d’Asie et d’Afrique. Au total, environ 20 millions de chiens – soit 55 000 par jour – sont tués «préventivement» dans ce contexte chaque année, qu’ils soient porteurs du virus ou non. Les programmes de vaccination mis en place dans de nombreux pays sont certes efficaces, mais ne suffisent pas à maîtriser la rage de manière durable et à long terme. Outre l’importance de la protection vaccinale, il faut avant en effet tout lutter contre la surpopulation canine, de manière efficace et dans le respect de l’animal. Cela n’est possible que grâce à un vaste programme de castration. Les campagnes de vaccination, associées à la sensibilisation et à une gestion durable de la population canine, sont donc les mesures antirabiques les plus efficaces.
C’est ce qui a poussé la VSPCA et NetAP à lancer un programme combiné de castration et de vaccination à grande échelle dans la région de Visakhapatnam. Aujourd’hui, plus de 100 000 chiens y ont été castrés/stérilisés et au moins 130 000 vaccinés. Le rayon d’action du DPP s’étend d’année en année : grâce à une clinique mobile acquise en 2015, l’équipe atteint également les villages isolés de l’agglomération. Le programme a très rapidement montré des résultats impressionnants : cela fait maintenant 13 ans qu’il n’y a pas eu un seul décès humain dû à la rage dans l’agglomération de Visakhapatnam !
Ce succès n’est bien entendu pas passé inaperçu auprès des autorités. Alors qu’il y a quelques années encore, les démarches administratives demandaient beaucoup de persévérance, la collaboration est aujourd’hui excellente, tant avec la police qu’avec la municipalité ou les services vétérinaires. Effet collatéral positif de ce programme couronné de succès, désormais la police adopte même des chiens des rues, qui sont véritablement choyés par les agents en uniforme. Mais bien plus important encore sont les nombreuses autres actions planifiées et menées en commun, comme par exemple les razzias auprès d’éleveurs de chiens connus, qui mettent à chaque fois en lumière d’innombrables infractions.
Innombrables bénévoles en action
Le DPP adopte une approche globale: les chiens sont capturés en douceur par une équipe formée, puis placés dans l’aile du refuge spécialement aménagée à cet effet. Le lendemain, ils sont examinés, castrés, vaccinés, traités contre les parasites et marqués. Enfin, après deux jours supplémentaires en observation, ils sont relâchés dans leur territoire habituel. Les relâcher exactement là où ils ont été capturés est essentiel pour une cohabitation harmonieuse entre les chiens. Auparavant, la municipalité relâchait les animaux castrés n’importe où, ce qui entraînait souvent des luttes suivies de morsures, à l’issue parfois mortelle.
Ces meutes sont nourries et contrôlées quotidiennement par d’innombrables bénévoles, ce qui permet de détecter et de castrer immédiatement les nouveaux arrivants ainsi que traiter les animaux accidentés ou malades.
Pendant les mois caniculaires de l’été, de grandes bassines d’eau sont réparties dans toute la ville et remplies quotidiennement dans le cadre d’une collaboration avec le service des eaux. L’eau est essentielle à la survie, en particulier durant ces mois, et ces bassines permettent par ailleurs aux vaches des rues et à d’autres animaux d’étancher leur soif.
Outre ces castrations et vaccinations, des séances de sensibilisation régulières contribuent à améliorer la compréhension de la population envers les chiens. Par ailleurs, des journées d’adoption permettent aux chiens qui ne peuvent plus retourner dans la rue d’avoir une chance de trouver un foyer.
D’autres projets, comme le programme «Dr. Paw» qui réunit des chiens des rues ainsi que des enfants et des adultes physiquement ou psychiquement handicapés dans certains établissements de soins, contribuent également à accroître la bienveillance à l’égard des chiens. Les personnes de ces centres peuvent y caresser les chiens ou jouer avec eux, ce qui permet souvent à mieux les activer que ce qui peut être obtenu par les thérapies usuelles. Les chiens prennent visiblement plaisir à leurs missions, car ils y reçoivent non seulement des soins complets, mais aussi un regain d’attention.
Le programme bien connu de protection des tortues de mer mise également sur le soutien des chiens des rues: les cinq grands sites de reproduction de la tortue olivâtre, une espèce menacée, sur la côte de Visakhapatnam, sont tous surveillés avec succès par d’anciens chiens des rues.
Nouveaux défis
D’innombrables projets de ce type, petits et grands, constituent une partie importante du DPP. Mais, malgré le succès, les nouveaux défis sont nombreux : la tendance perceptible dans la population à acheter de plus en plus de chiens de races européennes, bien que nombre d’entre elles soient totalement inadaptées à la garde en Inde, en est une nouvelle difficulté. Ces animaux supportant très mal le climat chaud et humide, ils sont rapidement «jetés» à la rue, dès l’apparition des premières faiblesses. Aujourd’hui, on trouve donc dans les rues de Visakhapatnam des carlins, des bouledogues français, des spitz, des bergers allemands, des golden retriever et bien d’autres chiens de races. Lorsque ceux-ci sont capturés dans le cadre des programmes de stérilisation et de vaccination, on constate généralement qu’ils sont malades ou blessés et qu’ils sont dépassés par la vie dans la rue. Ils sont alors accueillis dans les deux refuges de la VSPCA. Cependant, leur nombre doit être limité à 300 si l’on veut s’occuper correctement de tous les animaux admis. De plus en plus souvent, des chiens doivent alors être placés en urgence. Il s’avère donc nécessaire de renforcer la sensibilisation et l’adoption dans le contexte des chiens de races.
Dans l’ensemble, on constate que la relation entre les chiens et la population s’est clairement détendue ces dernières années. Il y a nettement moins de chiots non désirés dans la rue et, grâce aux traitements antiparasitaires réguliers et aux points d’alimentation surveillés, la plupart des chiens sont en bonne santé.
Il n’est pas exagéré de dire que le DPP est l’un des projets de protection des chiens les plus globaux qui soient. Certes, l’investissement est important, mais le succès obtenu durablement montre clairement que les efforts sont payants. L’équipe du DPP travaille dur, car chacun est fier du résultat de son travail. Shridevi et Viru sont également satisfaits de leur activité, notamment en voyant les yeux brillants des élèves et leur enthousiasme lors des visites scolaires. En effet, grâce à cette sensibilisation les enfants se sentent désormais beaucoup plus en sécurité avec leurs chiens des rues.
Images: NetAP