Journal Schweiz Arch Tierheilkd  
Verlag GST  
Heft Band 163, Heft 11,
novembre 2021
 
Thema Ueli Braun 70 Jahre  
ISSN (print) 0036-7281  
ISSN (online) 1664-2848  
online seit 03 novembre 2021  
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Grande ville – steppe – hauts plateaux: après Londres, la Mongolie et l’Éthiopie, retour dans la région bernoise, à l’IVI

Entretien avec Barbara Wieland, directrice de l’Institut de virologie et d’immunologie (IVI).

Rédaction ASMV: En mai, vous avez repris la direction de l’Institut de virologie et d’immunologie (IVI). Ces 15 dernières années, vous avez vécu en Angleterre, en Mongolie et en Éthiopie et travaillé dans de nombreux autres pays. Qu’avez-vous ramené en Suisse de cette période?
Outre des œuvres d’art, un chat de Mongolie et un chien d’Éthiopie, j’ai ramené une multitude d’impressions et d’expériences qui, je l’espère, me seront utiles pour mon travail à l’IVI. Tout au long de mon parcours, j’ai eu l’occasion de participer à des projets locaux et internationaux dans le domaine de l’épidémiologie des épizooties et des zoonoses. Ces projets nécessitaient souvent des approches systémiques, où l’interdisciplinarité, la durabilité et l’identification des interconnexions étaient évidemment importantes. En Éthiopie, par exemple, nous avons cherché de nouvelles solutions permettant d’assurer à tous, hommes et femmes, un accès équitable et durable aux services et médicaments vétérinaires, de sorte à limiter les dégâts dus aux maladies endémiques. Au Kenya, nous avons abordé avec les bergers la problématique des résistances aux acaricides, qui compliquaient l’enrayement des maladies transmises par les tiques ; en Ouganda, nous avons mis en place des formations à la biosécurité pour les paysans afin qu’ils puissent protéger leurs exploitations contre la peste porcine africaine. Mes activités étaient parfois également de nature politique. J’ai ainsi fait partie de comités internationaux visant à faire avancer l’éradication de la peste des petits ruminants dans le monde, et en Mongolie, nous avons développé une stratégie de contrôle de la fièvre aphteuse avec le service vétérinaire.
 
Bon nombre de lecteurs des ASMV connaissent probablement l’IVI principalement pour son rôle en cas de foyers d’épizootie, pour sa fonction d’autorisation et de contrôle des vaccins et pour le travail du Centre suisse de la rage. Comment expliqueriez-vous les tâches de l’IVI?
Le champ d’activités de l’IVI est en effet très large et peut être divisé en quatre volets principaux : le diagnostic, le contrôle des vaccins, la recherche, l’enseignement/la formation. Grâce à nos infrastructures, à notre laboratoire de haute sécurité et à la collaboration avec la faculté Vetsuisse de l’Université de Berne, nous jouons un rôle important dans les différentes phases de maîtrise et de prévention des épizooties virales et des zoonoses. Nous nous employons tout d’abord à identifier les virus dangereux ou susceptibles de le devenir: je pense par exemple au virus de l’encéphalite japonaise, qui n’est pas encore présent chez nous, mais qui pourrait l’être à l’avenir. Nos recherches portent sur des agents pathogènes nouveaux ou connus depuis longtemps, par exemple les pestivirus ou la peste porcine africaine. Les connaissances acquises grâce à ces recherches nous permettent de développer les méthodes nécessaires au contrôle, concourant à la prévention, à la maîtrise ou à l’éradication des agents pathogènes, qui est évidemment l’objectif ultime de notre travail. Un aspect un peu moins connu est la dimension proactive de notre travail: nous développons une expertise concernant des maladies qui ne sont pas encore présentes chez nous ou qui pourraient l’être, de sorte à pouvoir réagir rapidement et efficacement en cas d’urgence. Nous devons donc rester à la pointe et adapter notre expertise en conséquence, que ce soit dans le domaine de la recherche ou du diagnostic, avec l’aide de nos réseaux nationaux et internationaux.
 
Par ailleurs, il est évidemment du devoir de l’IVI, dans son rôle de laboratoire national de référence pour les agents pathogènes viraux hautement contagieux et autres agents pathogènes viraux importants, de soutenir le service vétérinaire durant les foyers d’épizootie et dans les programmes de contrôle. Nous avons également une mission d’enseignement, souvent méconnue mais tout aussi essentielle pour l’avenir: assurer les cours de virologie et d’immunologie donnés à la faculté Vetsuisse et l’encadrement des étudiants qui effectuent leur master ou leur doctorat. Dans le domaine du diagnostic aussi, la formation est indispensable, que ce soit en conseillant les autres laboratoires de diagnostic ou le service vétérinaire, ou en assurant la formation des laborantines et laborantins.

À votre avis, quels sont les principaux défis pour l’IVI?
L’IVI est et reste un élément essentiel du contrôle des maladies animales virales et des zoonoses. Parce que nous sommes la seule institution en Suisse en mesure de travailler avec des épizooties hautement contagieuses, ces sujets restent une priorité et nous nous appuyons sur l’expertise existante. Il est toutefois également important de promouvoir la prise de conscience des dangers que ces épizooties hautement contagieuses représentent pour les détenteurs d’animaux de rente. Pays jouissant d’un excellent statut sanitaire, la Suisse a heureusement été épargnée par les flambées d’épizooties graves ces dernières années, mais nous devons rester vigilants.
 
Par ailleurs, les agents pathogènes émergents gagnent sans cesse en importance et l’IVI doit donc être capable d’adapter rapidement ses activités si nécessaire, ce qu’il a démontré durant la pandémie due au coronavirus. En très peu de temps, nous avons été en mesure d’initier divers nouveaux projets et avons ainsi pu contribuer de manière significative aux nouvelles connaissances sur les réponses immunitaires au SARS-CoV-2 et sur sa pathogenèse. Sur le plan social aussi, la pandémie a montré à quel point il est important de travailler de manière interdisciplinaire, non seulement à l’interface entre santé humaine et santé animale, mais en incluant également les sciences sociales et environnementales afin de maîtriser les maladies existantes et en prévenant les nouvelles. C’est la raison pour laquelle à l’IVI, nous nous sommes engagés dans l’approche One Health et, forts de cette interdisciplinarité, nous contribuons à la recherche sur les agents infectieux et les maladies qu’ils provoquent. Comme il est difficile de prédire quels agents pathogènes et quelles espèces constitueront les menaces futures, nous devons faire preuve de beaucoup de flexibilité et d’une grande capacité d’adaptation.

Nous sommes confrontés à un autre enjeu de taille, inhérent à l’évolution des valeurs et des attentes de la société, par exemple dans le domaine de l’expérimentation animale. Ainsi, nous nous efforçons de réduire autant que possible les expériences sur les animaux et de donner le bon exemple en mettant en pratique le principe des 3R (Replace, Reduce, Refine).
 
Enfin, il y a naturellement les progrès techniques et la numérisation. Les innovations peuvent certes simplifier le travail, mais nous devons constamment investir pour rester dans la course. Résultat : d’autres défis se posent, à l’image des volumes de données sans précédent à gérer.
 
Qu’est-ce qui vous réjouit particulièrement?
Nous allons au-devant d’une période qui comportera assurément son lot de défis, mais qui sera aussi jalonnée de moments absolument captivants. L’IVI est bien préparé. Il peut compter sur des collaborateurs aux domaines d’expertise qui se complètent de manière idéale. Et nous disposons de l’infrastructure nécessaire pour mener à bien notre travail. C’est donc avec beaucoup d’intérêt et de détermination que je me réjouis d’aborder les thèmes actuels et à venir pour l’IVI, afin de protéger l’homme et l’animal contre les maladies virales, aujourd’hui comme demain.

Madame Wieland, nous vous remercions pour cet entretien et vous souhaitons plein succès, beaucoup de joie et d’énergie dans vos nouvelles fonctions à l’IVI.

Image : Barbara Wieland
(©Christoph Ruckstuhl/NZZ)
Image: Paysanne éthiopienne allant faire vacciner ses moutons.
(©Barbara Wieland)
 
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