Journal Schweiz Arch Tierheilkd  
Verlag GST  
Heft Band 163, Heft 4,
avril 2021
 
ISSN (print) 0036-7281  
ISSN (online) 1664-2848  
online seit 01 avril 2021  
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«Je suis fière de moi!» – Une journée dans la vie de Fanta Damba, vendeuse de lait au Mali

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Au Mali, si une femme veut ouvrir un kiosque à lait pour vendre du lait local, elle peut rejoindre le programme de VSF-Suisse. Elle est ainsi épaulée lors de l’élaboration de la stratégie d’entreprise et la constitution des demandes de crédit, et peut participer à des formations en matière d’hygiène, de la commercialisation, de vente et de comptabilité. Fanta Damba est l’une d’entre elles.

Il est 16 heures, les rues rouges et poussiéreuses de Bamako sont pleines de monde. Des enfants en uniforme scolaire rentrant chez eux, des motos et des voitures qui klaxonnent – une ambiance très animée. Le directeur-pays de Vétérinaires Sans Frontières Suisse au Mali, le Dr. Abdoulaye Diaouré, reste calme et note simplement: «C’est l’heure de pointe» – comme toujours ici! La capitale malienne s’est énormément développée: avec un peu plus de 2 millions d’habitants, elle compte aujourd’hui deux fois plus d’habitants qu’il y a 20 ans!

Étant donné que la zone sahélienne devient un environnement de plus en plus hostile pour les humains en raison des changements climatiques et puisque la situation sécuritaire dans les grandes villes est meilleure que dans le reste du pays, les gens viennent ici. Par conséquent, de nombreux quartiers informels se développent à la périphérie de la ville, où il n’y a souvent aucune infrastructure, pas même un système d’égouts. Mais ce n’est pas le cas dans tous les quartiers. Nous continuons notre route et nous nous rapprochons lentement de notre destination, un quartier typique de la classe moyenne.

Bien plus que du lait

Ici à Ntomikorobougou, Mme Fanta Damba a ouvert son propre kiosque à lait il y a huit ans avec le soutien de VSF-Suisse. Elle vend ce qu’on appelle le «lait local», c’est-à-dire le lait des vaches des éleveurs locaux, et non la poudre de lait importée d’Europe. Les vendeuses de lait comme Mme Damba se procurent le lait dans de mini laiteries où il a été conservé et stérilisé par chauffage, puis fabriquent elles-mêmes divers produits à base de lait, notamment le fènè (un yaourt au lait aigre), le déguè (un muesli à base de lait et de millet), le couscous sec (une spécialité de millet de Kayes, ville natale de Fanta Damba) et le lait caillé (fromage en grains).

L’engagement de Mme Damba est conséquent et sa journée est longue: elle commence à fabriquer ses produits à 6 heures du matin et ne ferme généralement pas son kiosque avant 22 heures. Durant toutes ces heures, elle est en contact étroit avec ses clients. Cela fait partie de la culture ainsi que de la stratégie de vente, car une bonne vendeuse de lait connaît sa clientèle et ses préférences: un voisin aime son lait chaud vers 15 heures, un autre bon client le préfère froid et seulement le soir. Mme Damba le sait et répond aux souhaits de ses clients.

Elle traite entre 60 et 120 litres de lait par jour. La quantité dépend de la demande et de la saison. Nous sommes en janvier, en pleine saison dite fraîche et le yaourt se vend moins bien aussi, Mme Damba en fait beaucoup moins. C’est parce que le froid affecte les gens: «Ce froid, on le sent, il nous fatigue» explique Mme Damba. Le matin et le soir, les températures de saison sont comprises entre 20 et 25 degrés.

Toutefois, Mme Damba fait son chiffre d’affaires le soir et ce, à n’importe quel moment de l’année: «Entre 18 et 20 heures, vous trouverez des voitures, des motos – c’est bondé. Les gens rentrent du travail et ont besoin du lait local. Je suis là, bien sûr, je les reçois, on parle, ils font leurs courses et s’en vont.»

Les goûts diffèrent

Une des clientes régulières Mme Bintou Sako, qui enseigne l’économie à l’université et au lycée, achète souvent à Mme Damba jusqu’à 30 litres de fènè par jour pour ses élèves et nous dit: «Les élèves aiment ça, ils adorent même!» Le fènè est conservé dans le réfrigérateur de l’école et lorsque le stock est épuisé, Mme Sako, qui possède une voiture, se rend au kiosque pour se ravitailler. Car dès que le yaourt tant convoité est épuisé, les enfants crient: «Madame, madame, vous devez aller en chercher!» Mme Sako rit: «C’est ça!»

Mme Astan Bengali est également enseignante et se procure du lait pour elle-même et ses élèves ici aussi. Elle est issue d’une famille d’enseignants et enseigne depuis 20 ans. Elle fait partie des clients qui préfèrent leur lait local encore chaud. Tout en riant, elle dit qu’elle apporte son thermos au kiosque pour que le lait ne refroidisse pas en route. Le lait en poudre est impensable pour elle:  Non, nous n’en consommons pas. Nous aimons le lait local. Depuis qu’il est disponible, nous l’achetons.»

Du lait local au lieu de la poudre ­importée

La quantité de lait local n’est cependant pas suffisante pour satisfaire la forte demande. Par conséquent, le lait en poudre est toujours importé d’Europe. En revanche, le lait local gagne en popularité et n’est plus perçu comme impropre à la consommation, une ancienne et mauvaise réputation qui s’estompe grâce aussi à l’initiative de VSF-Suisse lancée il y a 15 ans. Mme Damba explique le succès de son kiosque à lait et du lait local: «J’ai convaincu les gens. Nous avons commencé à combattre le lait en poudre. Nous avons besoin du lait local. J’ai commencé par donner du lait aux gens et maintenant ils ont compris. Même leur petit déjeuner contient mon lait local.» Lorsqu’on la félicite de faire du très bon marketing, elle répond modestement, mais admet ensuite: «Je suis fière de moi. Parce que j’aime beaucoup mon travail. Ce n’est que lorsque vous aimez votre travail que vous pouvez avancer.»

Fanta Damba peut être fière d’elle et ce à juste titre, car avec les bénéfices de son kiosque à lait, elle finance les études universitaires de son fils à hauteur de 750 000 francs CFA (=1260 CHF) par an. Elle y parvient en investissant toutes les deux semaines dans des tontines, un système solidaire de communautés d’épargne qui existe dans de nombreux pays du Sud.

Les femmes maliennes et la filière laitière

Beaucoup de vendeuses de lait à Bamako le font comme Mme Damba. On entend souvent la phrase «Avec l’argent, j’envoie les enfants à l’école». À l’exception d’un seul homme propriétaire de kiosque, toutes sont des femmes. Ils contribuent de manière significative à la subsistance de toute la famille. L’égalité est une question importante au Mali. À la radio, nous entendons sans cesse le couplet de la chanson: «Éducation pour nos filles, égalité pour nos femmes»!

L’importance du système de vente de lait malien pour une grande partie de la société devient claire lorsqu’on examine de plus près la filière laitière, qui ne s’arrête pas aux propriétaires de kiosques. Fanta Damba approvisionne l’épicerie des environs et plusieurs revendeuses. Celles-ci lui achètent le lait frais pour 500 francs CFA (=0,84 CHF) par litre et le revendent ensuite dans les rues du quartier pour 600 francs CFA (=1 CHF). De cette façon, le lait se rapproche le plus possible du client et toutes les femmes génèrent un bénéfice sur chaque litre de lait vendu – une situation gagnant-gagnant!

Les femmes financent l’achat de leur propre kiosque à lait grâce à un mélange de fonds propres, de subventions et d’un prêt partiel. L’organisation locale à but non lucratif CAB Déméso, avec laquelle VSF-Suisse coopère sur ce projet, les soutient. Si une femme décide de participer au programme, elle reçoit de l’aide pour établir un plan d’affaires et remplir des formulaires de demande de crédit. En outre, des formations sont proposées dans les domaines de l’hygiène, de la commercialisation, de la vente et de la comptabilité. La transmission de ce savoir-faire complet aux femmes fait partie de la stratégie de développement systémique des marchés que VSF-Suisse poursuit au Mali.

Fanta Damba a des plans concrets pour l’avenir. Elle souhaite élargir sa gamme afin que les clients puissent acheter non seulement des produits laitiers mais aussi d’autres denrées alimentaires telles que des boissons, du thé, du sucre, de la mayonnaise, de la moutarde et des pois – «toutes les choses que les gens aiment.» Elle a déjà pu financer l’extension du kiosque, il ne reste plus qu’à approvisionner les étagères.

De cette façon, elle veut aussi attirer de nouveaux clients pour le lait local: «Quand ils veulent acheter du thé et du sucre dans le kiosque, ils découvrent le lait local à côté. Et quand ils voient le couscous, ils veulent l’essayer. Si c’est le vrai lait local, les clients reviendront, c’est sûr. C’est comme ça. C’est mon idée.»

Fanta Damba ­devant son kiosque à lait à Bamako, Mali.
Le kiosque à lait devient un lieu de ­rencontre pour tout le quartier.
Une jeune fille fait un bref arrêt au kiosque à lait sur le chemin de l’école pour acheter une portion lait local, ­délicieux et nourrissant.

Texte: Camilla Tersmeden et Philipp Hayoz, VSF-­Suisse
Photos: ©Tom Martin

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