Communication de l'association

Écornage des cabris: un tournant inattendu

Depuis 2008, la législation autorise les détenteurs d’animaux titulaires de ­l’attestation de compétences correspondante d’écorner eux-mêmes les ­chevreaux de leur exploitation. L’expérience des vétérinaires avec cette ­réglementation a montré qu’il n’était pas responsable de déléguer cette ­intervention délicate à des non-professionnels. Une modification récente
du droit sur les médicaments vétérinaires apporte aujourd’hui de l’eau
au moulin des vétérinaires.

Chaque vétérinaire qui écorne des cabris sait ô combien cette intervention d’apparence anodine est délicate. L’écornage des cabris se fait très tôt, à l’âge de 10 à 14 jours, dans une fenêtre de temps étroite.

Une intervention d’apparence simple

Le risque de narcose est élevé compte tenu de la précocité de l’intervention, notamment en raison des risques accrus d’hypothermie. La réaction à la narcose est individuelle: certains cabris dorment profondément alors que d’autres réagissent encore aux stimuli de douleur, en dépit d’une posologie égale à poids égal. Le vétérinaire dispose toutefois des connaissances nécessaires pour y réagir correctement: après avoir évalué l’état du patient, soit il rajoute du narcotique, soit il réalise en sus une anesthésie régionale tronculaire ou une anesthésie par infiltration locale.

La cautérisation de l’ébauche de corne n’est pas non plus sans requérir un certain doigté: il faut éviter de provoquer des lésions au cerveau, situé juste au-dessous de la fine calotte crânienne. Le vétérinaire cautérise brièvement et sans pression. Après l’intervention, il veille à ce que les chevreaux se réveillent bien, ne tombent pas en hypothermie ou ne régurgitent pas.

La SVS réclame depuis longtemps une interdiction d’écornage pour les détenteurs

L’écornage des cabris requérant une importante somme de connaissances, les vétérinaires doutaient depuis longtemps du fait que les détenteurs d’animaux puissent acquérir suffisamment d’aptitudes avec la seule attestation de compétences pour réaliser cette intervention dans les règles de l’art. Par ailleurs, la remise de kétamine était aussi un sujet de discorde. En 2008 déjà, se fendant d’un papier de position, la SVS faisait savoir qu’elle ne soutenait pas l’écornage par le détenteur des animaux et qu’elle souhaitait voir une interdiction. La SVS demandait que l’intervention soit réservée aux vétérinaires en attendant une interdiction officielle. Une position que la SVS réitérait en 2015, notamment à la faveur d’un communiqué de presse.

Un tiers des cabris insuffisamment anesthésiés

Une étude datant de 20181, mandatée par l’OSAV et menée sous la direction de l’Hôpital vétérinaire de Berne, a confirmé ces craintes: l’observation de 168 écornages réalisés par les détenteurs a fait ressortir qu’un tiers des cabris était insuffisamment anesthésiés. Par ailleurs, l’étude a montré que les détenteurs d’animaux ne tenaient souvent pas suffisamment compte des documents écrits qu’ils avaient reçus dans le cadre du cours d’attestation de compétences et, par exemple, ne prêtaient pas suffisamment d’attention aux animaux après l’intervention. L’étude a enfin fourni aux vétérinaires les données d’urgence requises pour donner un fondement à leur critique de la pratique actuelle.

Fin 2018 s’est tenue, sous la direction de l’OSAV, une séance regroupant tous les groupes d’intérêts: la Fédération suisse d’élevage caprin, la SVS, l’Association suisse pour la santé des ruminants ASSR, le Service consultatif et sanitaire pour petits ruminants SSPR, les vétérinaires cantonaux ASVC et des spécialistes de la protection des animaux et du droit sur les médicaments vétérinaires de l’OSAV. La SVS a une fois de plus réclamé une interdiction totale de l’écornage des cabris à moyen terme et, dans la phase transitoire, que l’intervention ne puisse plus être pratiquée que par les vétérinaires. L’ASSR et le SSPR en revanche se sont engagés pour des cours de formation continue obligatoires pour les détenteurs d’animaux de même qu’un contrôle de la part des autorités d’exécution cantonales. L’OSAV défendait pour sa part face à la SVS que ni l’abolition de l’écornage par le détenteur ni une interdiction générale de l’écornage des cabris n’étaient politiquement défendables.

La kétamine désormais substance soumise à contrôle

Au printemps 2019, un soutien inespéré s’est matérialisé: l’UE a renforcé la législation relative à l’utilisation de kétamine et la Suisse lui a emboîté le pas. Depuis le 1er mai 2019, la kétamine est désormais une substance soumise à contrôle. Alors que Swissmedic a trouvé une solution pragmatique pour son utilisation dans le cabinet vétérinaire (cf. aide-mémoire de l’OSAV à ce sujet), cela signifiait toutefois la fin de la remise aux détenteurs d’animaux. Au mois de septembre, les groupes d’intérêts se réunissaient à nouveau à l’OSAV. Il en est ressorti une nouvelle réglementation selon laquelle l’examen et la narcose des cabris doivent être réalisés et surveillés par un vétérinaire. L’écornage peut en revanche continuer d’être réalisé par le détenteur des animaux. Se pose ici la question de savoir si cette procédure a du sens en pratique. Cela se vérifiera ces prochaines années.

Pour l’avenir, la SVS espère que de nouveaux résultats de recherche (p.ex. de études sur la garde des chèvres cornues dans l’espace d’attente précédant le stand de traite) viendront soutenir une volonté politique plus large d’interdire à l’avenir l’écornage des chèvres. La SVS soutient tous les efforts menant à une garde de ces animaux qui soit respectueuse des besoins de l’espèce.

Patrizia Andina-Pfister, Dr med. vet. FVH ruminants
Responsable médicaments vétérinaires, secrétariat SVS

Du point de vue de la SVS, l’écornage des cabris n’est pas nécessaire, pour autant que les conditions de garde respectent les besoins de l’espèce. (© iStock.com)

Aide-mémoire de l’OSAV pour les vétérinaires sur la nouvelle réglementation relative à l’écornage des cabris

L’OSAV a récapitulé de manière claire et concise dans un aide-mémoire les interrelations complexes entre la législation sur la protection des animaux et l’ordonnance sur les médicaments vétérinaires. Le document peut être téléchargé sous forme de PDF en suivant le lien ci-après:
www.blv.admin.ch > Animaux > Médicament vétérinaires > Bon usage des médicaments vétérinaires («En détail»/«Stupéfiants»)

1Evaluation of anaesthesia and analgesia quality during disbudding of goat kids by certified Swiss farmers. N. Wagmann et al., BMC Veterinary research, 14; 220 (2018)