Journal Schweiz Arch Tierheilkd  
Verlag GST  
Heft Band 158, Heft 11,
novembre 2016
 
ISSN (print) 0036-7281  
ISSN (online) 1664-2848  
online seit 02 novembre 2016  
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Lait de chamelle au lieu de lait de vache: nos projets de sécurité alimentaire dans les zones arides du Kenya

En quoi consiste le travail des vétérinaires? Vacciner et traiter les animaux malades? Pas uniquement! Les tâches quotidiennes d’un vétérinaire sont bien plus larges! Au Kenya, par exemple, nous faisons avancer l’intégration de chameaux dans les troupeaux d’animaux de rente. Une manière de soutenir la population dans la mise en place de sources durables de nourriture et de revenus de même que d’un statut social.

Des paysages désertiques à perte de vue. De l’herbe nulle part et juste quelques arbres isolés. Un groupe d’enfants joue au football avec un jerrican en plastique déformé. Nous nous trouvons au centre d’Isiolo, une des zones arides du Kenya. Affichant 580 367 km2, le pays fait plus de 14 fois la Suisse. Quarante-cinq millions d’habitants – plus de 40 langues différentes – vivent dans ce pays de la Corne de l’Afrique. Nombre d’entre eux appartiennent à des groupes de populations vivant de la garde d’animaux de rente. Lait de chamelle au lieu de lait de vache: nos projets de sécurité alimentaire dans les zones arides du Kenya En quoi consiste le travail des vétérinaires? Vacciner et traiter les animaux malades? Pas uniquement! Les tâches quotidiennes d’un vétérinaire sont bien plus larges! Au Kenya, par exemple, nous faisons avancer l’intégration de chameaux dans les troupeaux d’animaux de rente. Une manière de soutenir la population dans la mise en place de sources durables de nourriture et de revenus de même que d’un statut social.

Sécheresses et bovins ne font pas bon ménage

Nous rencontrons Mohamed Abakula Kanchoro, devant une maisonnette de pierres à Modogashe. Depuis la fin de ses études, il travaille à l’Egerton University de Nairobi, à titre d’assistant en santé animale. Durant des années, il s’est déplacé de village en village pour s’occuper des troupeaux de bovins de la population. Il a rapidement constaté qu’en dépit de tous les efforts entrepris pour maintenir les bovins en bonne santé, ceux-ci n’offraient plus une base existentielle suffisante à leurs éleveurs. Isaack Ngeera, l’un des bénéficiaires de notre projet de chameaux, le confirme: «Les bovins paissent toujours au sol. Lorsque la canicule sévit, l’herbe sèche et les animaux ne trouvent plus rien à manger. Alors nous n’avons plus rien à manger non plus, plus de lait et plus aucun revenu, car nous n’avons plus de produits animaux à vendre!»

En raison du réchauffement climatique, l’environnement s’est modifié à Isiolo et on ne trouve plus les mêmes plantes qu’il y a 30 ans. Les périodes de sécheresses se succèdent dans la région, lors desquelles la plupart des herbes et des buissons broutés par les bovins ne poussent plus. Cette évolution de la végétation induit une réduction considérable des troupeaux de rente. Les vaches ne portaient plus et ne produisaient plus que très peu de lait. Les gens, enfants en tête, commençaient à souffrir d’amaigrissement, de troubles de la croissance et de carences alimentaires.

C’est ce qui a poussé Mohamed de vouloir participer à notre projet ICMP. Il a suivi des formations continues et appris à traire les chamelles, à transformer le lait de façon hygiénique, à reconnaître les maladies typiques des camélidés, à administrer les médicaments et les vaccins adaptés à cette espèce et à conseiller la population en matière de garde et de soins. En dépit de son scepticisme du départ face à la garde de chameaux, Mohamed est aujourd’hui convaincu par ces animaux robustes. «Aujourd’hui, j’encourage tout le monde à réduire leurs troupeaux de bovins pour les remplacer par des chameaux. » Ils ont davantage de chances de survie dans les zones arides ou semi-arides», explique-il, montrant du doigt une de ces bêtes majestueuses tendant le cou pour atteindre les feuilles du haut d’un arbre. Car même dans les régions sèches du Kenya, la couronne des arbres reste verte.

Mais la capacité des chameaux à survivre durant les périodes de sécheresse n’est pas leur seul atout: leur lait constitue une source de protéines de première qualité. Une chamelle produit 5 à 10 litres de lait par jour. Cela peut approvisionner une famille entière en nutriments. Les femmes transforment les excédents en produits laitiers, pour les vendre. De la sorte, la partie de la population qui ne garde pas d’animaux a aussi accès à des aliments de grande valeur.

Nouvelles perspectives pour les femmes

La garde de chameaux a un autre effet important sur la qualité de vie de la population: elle renforce la place des femmes. On le voit au premier coup d'oeil, lorsque l’on aperçoit les jeunes filles et femmes aux habits colorés qui surveillent les chameaux en bordure d’un pâturage: leurs discussions sont animées et leurs rires forts. Elles ont l’air en bonne santé. Elles font toutes partie d’un des nombreux groupes de femmes créé dans le cadre de notre projet. Ces groupes sont responsables de la transformation et de la commercialisation des produits au lait de chamelle. «Depuis que j’ai reçu mon chameau de Vétérinaires Sans Frontières Suisse, ma famille dispose enfin d’une source de nourriture durable. De plus, il reste toujours quelque chose à vendre», complète Anab Kassim en montant son animal. La vente se fait soit à des petits stands de vente de lait, sur la place du marché de la ville d’Isiolo, soit par l’intermédiaire d’une des coopératives laitières régionales, qui se chargent de la distribution. Un des groupes de femmes transporte même son lait sur le marché de Nairobi. Cet ancrage dans la chaîne de valeur ajoutée du lait a aujourd’hui permis aux femmes de gagner un statut nettement plus élevé qu’auparavant dans leurs communes.

Projet chameaux prorogé

La troisième phase du projet ICMP s’est terminée en 2015. Son incidence ayant été si forte sur la vie de nombreuses personnes au Kenya, depuis janvier 2016 les collaborateurs de VSF-Suisse poursuivent leur travail dans le domaine de la garde de chameaux dans le cadre du projet UPICAM. Durant le premier semestre, 100 familles ont déjà reçu des jeunes chameaux sains et féconds. 405 hommes et femmes ont été formés à la garde de chameaux et à l’hygiène du lait. Ils peuvent ainsi conserver leur mode de vie orienté sur la garde d’animaux de rente, comme l’ont déjà fait leurs aïeux au cours des siècles. Leur alimentation reste constituée pour l’essentiel de viande et de produits laitiers. Ils ne sont donc pas contraints d’emprunter un style de vie totalement nouveau et étranger pour pouvoir survivre.

Les collaboratrices et collaborateurs de VSF-Suisse, de même que Mohamed, qui continuera de se déplacer de village en village pour présenter aux villageois les avantages de la garde de chameaux et traiter les animaux en cas de maladie, veillent à ce que cela puisse demeurer.

Chameaux à l’abreuvoir. Leur capacité à survivre durant de longues périodes sans alimentation et sans eau en font des animaux de rente particulièrement robustes et précieux.
Des enfants kenyans devant une échoppe de lait de brebis du groupe de femmes d’Isiolo.
Les chameaux fournissent un lait riche en nutriments, transportent des charges et peuvent bien s’adapter aux conditions climatiques des régions arides ou semi-arides du Kenya.
Une femme indépendante: elle vent le lait de ses chamelles sur le marché de Nairobi.

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Texte: Kerstin Köffel, VSF-Suisse
Photos: Tom Martin, martinandmartin.eu

 
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