Vet-Info
Vacciner, vermifuger et survivre. Notre engagement au Soudan du Sud.
Le Soudan du Sud est un pays secoué par les crises. Il y pleut fort et souvent. Le pays se voit régulièrement submergé et les récoltes sont détruites. Les maladies se propagent, les animaux périssent et les hommes se battent. C’est dans ce contexte que les équipes de Vétérinaires Sans Frontières Suisse (VSF-Suisse) s’engagent en faveur des populations de bergers. Ils y vaccinent et vermifugent les animaux de rente, distribuent des chèvres laitières et forment des personnes compétentes en soigneurs d’animaux.
La chaleur est étouffante. Aucune pluie, presque pas de vent. C’est enfin la saison sèche au Soudan du Sud. Les hommes et les animaux se sont retirés dans leurs campements de campagne. Nous nous rendons dans l’un d’entre eux, dans la province du Nil supérieur, où nous rencontrons Matthew Bul. Ce père de trois enfants nous accueille chaleureusement: «Je me réjouis, car depuis que vous menez le projet, mon épouse et mes enfants ne doivent plus aller quémander du lait dans d’autres familles!» Le projet, c’est LERP, acronyme de «Livestock Emergency Response Project in Greater Upper Nile States, South Sudan». VSF-Suisse implémente en commun avec les Deutsche Tierärzte ohne Grenzen et avec le soutien de l’USAID.
Matthew nous fait visiter le campement et nous explique les débuts du projet: «Le nord du Soudan du Sud, juste à la frontière avec le Soudan, a subi des pluies torrentielles et des inondations à répétition durant deux ans. Nous n’avons donc plus pu cultiver quoi que ce soit. À cela sont venus s’ajouter les conflits et les agressions, si bien que nous vivions dans une peur permanente. Nous n’avons plus osé poser nos campements où que ce soit. Finalement, nos vaches n’ont presque plus donné de lait et nous ne pouvions plus nourrir correctement ni nos animaux, ni nos enfants.
Vivre avec les soucis face aux animaux, aux récoltes et à la sécurité
La population du Soudan du Sud affiche actuellement la plus forte croissance au monde. La moitié des 12 millions d’habitants de cet État de juste 5 ans sont des enfants. Un tiers des petits enfants souffre de carences alimentaires aiguës et 570 000 enfants sont orphelins. En outre, 2,4 millions de personnes souffrent de malnutrition aiguë. Une urgence humanitaire.
Jadis, avant les périodes de crises et de guerres, la population rurale vivait très bien de l’agropastoralisme, un mélange entre la vie de berger et le nomadisme. Les gens cultivaient les champs, vivaient de la récolte, pouvaient nourrir leurs bêtes et consommaient régulièrement leurs produits, comme le lait ou les oeufs. Ils avaient une alimentation équilibrée, en harmonie avec la nature. Aujourd’hui, non seulement les catastrophes naturelles compliquent la survie selon ce mode de vie, mais les conflits et les luttes armées sont venus s’y ajouter. Alors qu’il y a quelques années on ne faisait régulièrement état que de heurts à la frontière avec le Soudan, la population du Soudan du Sud souffre actuellement de conflits internes. On observe régulièrement des combats entre les différentes factions armées, où il en va en premier lieu de luttes de pouvoir ou d’accaparement des terres. La province du Nil supérieur en est durement touchée. Craignant pour leur vie, les bergers ne pouvaient plus transhumer et devaient demeurer dans des zones peu fertiles.
Bien que n’y étant pas impliqués, les gens comme Matthew et sa famille sont les plus durement touchés par les conflits. Ce sont les gens et leur bétail pour lesquels VSF-Suisse s’engage jour après jour sur le terrain.
Les soigneurs pour animaux sauvent des vies animales et des vies humaines
En 2015, 460 personnes ont suivi le cours de soigneurs de VSF-Suisse au Soudan du Sud. Ils y ont acquis les bases de la santé animale et sont désormais en mesure de reconnaître les maladies animales et de les soigner en conséquence. Dans l’idéal, ils peuvent administrer des vaccins et vermifuger les animaux, si bien que l’on peut prévenir l’apparition des maladies.
Les yeux de Matthew Buls brillent, lorsqu’il nous raconte comment son troupeau a pu être augmenté juste après le début du projet et que tous ses bovins ont pu être vaccinés et vermifugés par un soigneur: «Depuis lors, plus aucune vache n’a péri et l’une d’entre elles a même eu un veau!» Matthew et sa famille ont enfin à nouveau eu suffisamment à manger.
La province du Nil supérieur n’est pas la seule où règne l’insécurité alimentaire et les risques sécuritaires: la province Unity, à 1300 km de là et le Bahr al Ghazal sont logés à la même enseigne. Depuis avril 2016, VSF-Suisse y a entamé la seconde phase d’un projet d’amélioration de la sécurité alimentaire de la population, soutenu par le programme de développement des Nations Unies UNDP.
Le but est le même pour tous les projets: renforcer la santé des groupes de population gardant des animaux de rente et les aider à atteindre la capacité d’autoapprovisionnement. Des animaux vaccinés et vermifugés, ainsi que des personnes compétentes formées à devenir des soigneurs d’animaux, autoriseront aux personnes qui pratiquent l’agropastoralisme dans le Soudan du Sud de continuer à survivre en harmonie avec la nature. Le chef d’un campement de campagne le formule ainsi: «Les bovins sont notre cuisine mobile. Nous avons de la viande et du lait quel que soit l’endroit où nous nous trouvons. Mais quand les animaux sont malades, soudain tout le campement est malade!» Les habitants n’ont pas besoin de beaucoup plus que d’une sécurité physique et une sécurité alimentaire. VSF-Suisse soutient la satisfaction de ces besoins. Des animaux sains y contribuent.
Texte: Kerstin Köffel
Photos: Tom Martin, martinandmartin.eu